• Réforme des retraites : Une France pré-insurrectionnelle

    Réforme des retraites : Une France pré-insurrectionnelle

    Paris, Gilets Jaunes - Acte IX, photo prise par Olivier Ortelpa

     

    Entre les Gilets jaunes, les grévistes des différents services publics et la colère du citoyen lambda contre la réforme des retraites, la contestation s'est globalisée. Logique, le pouvoir macronien a clairement aggravé une crise sociale jusque-là latente. Ayant pour seule réponse le mépris contre le peuple - "les gens qui ne sont rien" ou "les fainéants" - la République en marche détruit peu à peu le mince espoir des Français envers leurs élites politiques.

     

    Si la macronie a raison sur une chose : la crise sociale n'est pas née sous leur mandat et prise de règne. Le sénateur de La République en marche (LREM) François Patriat fait partie de ceux qui martèlent ce type de message (exemple : le 29 janvier 2020 sur LCI), l'intention étant de déconnecter La République en marche de toute responsabilité de la crise profonde. Or, LREM a bien une responsabilité dans cette crise. Elle est même grande, puisqu'elle l'a étendue et intensifiée. Les œillères en place, LREM (d'Emmanuel Macron aux parlementaires, en passant par le gouvernement) trouve toujours des boucs émissaires aux échecs de leurs politiques et au mécontentement ambiant : les populistes, les partis politiques hors LREM, les Russes, les syndicats, internet, les réseaux sociaux, l'ignorance du peuple, etc.

     

    LREM est responsable d'avoir aggravé une situation sociale déjà bien fragile à son arrivée au pouvoir

     

    Si la macronie se fait dépasser par les tensions au sein de la société, cela ne fait que symboliser sa déconnexion vis-à-vis du terrain et du peuple. Issus pour une grande partie de l'ancien monde politique (B. Le Maire, C. Castaner, R. Ferrand, E. Philippe, G. Darmanin, etc.) et des catégories sociale supérieures, ils méprisent, dans le discours, les perdants de la mondialisation. Pas étonnant que le foyer électoral de LREM se trouve majoritairement au sein d'une population politisée, urbaine, de catégories sociales élevées. La France périphérique est vue par LREM comme le boulet de la France. Elle ne fait pas partie du logiciel politique LREM avec des citoyens parfaits, qui devraient être mobiles, sans voiture, intégrés à une métropole dynamique. Au plus grand regret d'Emmanuel Macron (lire à ce sujet ses discours), ce sont des Français qui ne cherchent pas à être milliardaires et à vivre principalement pour la passion du travail. La rupture est grande et de plus en plus profonde entre le monde macronien et le peuple.

    Si nous nous situons dans une forme de situation pré-insurrectionnelle, c'est aussi parce que le président et sa majorité mettent en place des réformes profondes et structurelles sans les avoir sanctionnées lors des élections de 2017 (présidentielle et législatives). Cela contribue à saper le contrat social, au détriment des classes moyennes et populaires. Emmanuel Macron poursuit en fait une œuvre déjà entamée par ses prédécesseurs. Sous François Hollande, la loi travail El Khomri fut l'une des plus grandes trahisons de la gauche vis-à-vis de sa base électorale. Un projet qui était d'ailleurs soutenu à l'origine par le futur président... Emmanuel Macron.

    Depuis plusieurs mandats, il y a cette impression qui transpire au sein du peuple : le politique cherche à duper le peuple pour se faire élire et mettre en place un programme idéologisé, répondant à des intérêts particuliers. La République est détournée de son sens. La vertu - le sens de l'intérêt général - est oubliée. La réforme des retraites illustre cet état d'esprit.

    Emmanuel Macron répond en outre à un agenda. Par exemple, il n'a jamais caché sa détermination à réduire comme peau de chagrin les services publics. Nombre d'électeurs n'ont pourtant pas vu venir cela. Le fait que le peuple ne saisisse plus les enjeux de la présidentielle et les programmes de leur candidat est une faille de la République, largement exploitée par les gouvernants actuels.

    Depuis son élection, Emmanuel Macron est aidé dans cette tâche par une grande partie des médias. Il s'est appuyé sur ceux-ci pour faire aboutir des projets qui démantèlent la République sociale, à l'instar du matraquage médiatique sur le problème des finances publiques, et les soi-disant scandaleux "privilèges" des petits fonctionnaires. Cette ligne est vue et définie par les macronistes et leurs soutiens médiatiques comme un cap "progressiste", "jeune", "responsable".

     

    Le monde macronien est une bourgeoisie très politisée, un ersatz de l'aristocratie

     

    La macronie exalte de fait un nouveau type de classe sociale, un ordre qui serait à l'image de l'aristocratie de l'Ancien régime, cette petite population largement bourgeoise et citadine qui répond aux réflexes anglosaxons. Sur les services publics, ils n'hésiteront pas, lors d'échanges non publics, à vous certifier qu'"on a l'école ou la santé qu'on mérite avec le porte-feuille". Pendant ce temps, la France périphérique, particulièrement les ruraux, voient leurs services publics se déliter. Ce sont pourtant ceux-ci qui permettent d'atténuer les effets de la mondialisation et les inégalités sociales. Lorsque les services publics baissent, les augmentations permanentes de l'essence, des énergies et des produits de consommation ne font alors que faire sauter le couvercle d'une marmite déjà bouillonnante. 

    La macronie peut néanmoins se rassurer : si l'insurrection ne finit pas en Révolution, c'est qu'elle n'est pas à l'ordre du jour sur le court-terme. D'un part, nous vivons déjà dans une République. Si celle-ci est chaque jour dévoyée, le modèle parfait est difficilement conceptuable. La démocratie a d'ailleurs porté ceux qui ont tailladé notre République. C'est à la démocratie de réparer cette erreur. Problème : le citoyen devient de plus en plus abstentionniste, se sentant orphelin politiquement. Les élites politiques ont contribué, certainement inconsciemment pour une partie d'entre elles, à provoquer cette situation. La conséquence : notre démocratie porte des individus au pouvoir dont la légitimité est faible. Cette légitimité est malgré tout reconnue car issue du vote. Ce paradoxe fragilise donc l'élite politique, tout en la préservant.

    D'autre part, Les jeunes sont désorientés et la plus grande portion de la nation, les retraités, tiennent à leur rente et acquis. Si la France se rapproche des situations sociales désastreuses de ses voisins, notre pays résiste encore. La stabilité est maintenue par les quelques acquis sociaux résiduels. Sauf qu'à force de régresser socialement, le peuple risquerait bien un jour de franchir le Rubicon et de faire passer la France de l'état pré-insurrectionnel à une étape suivante.

     

     


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