• La baguette magique du gouvernement : retour au XIXe siècle ?

    Ils se disent "modernes", se veulent "modernistes." L'équipe autour du 1er ministre Manuel Valls et Emmanuel Macron, au gouvernement, aura réussi son pari : faire basculer le Parti Socialiste à droite. Un projet préparé depuis 2012 qui s'achève avec le projet de réforme du code du travail.

    La baguette magique du gouvernement : vers le retour d'une société du XIXe siècle.

      

    C'était une véritable bombe hier matin dans les salles de rédaction. Une information tout d'abord donnée par "Le Parisien" puis confirmée dans la journée (ou du moins jamais démentie, y compris par la ministre, porteuse du projet, Myriam El Khomri dans ses interviews). Plafonnement des indemnités prud'homales pour les licenciements abusifs, remplacement progressif des 35 heures pour une durée de  temps de travail légal pouvant atteindre 60 heures par semaine, remise en cause des accords de branche, simplification des licenciements, y compris dits "économiques" (une aubaine surtout pour les  grandes entreprises et le grand patronat), affaiblissement de la puissance des élus syndicaux (si elle existait encore) dans les entreprises, par l'introduction de référendums, etc. Des idées qui auraient été élaborées par Myriam El-Khomri, ministre du travail. Tout d'abord, nous pouvons légèrement douter de cela, étant donné qu'elle a été davantage placée, à cette fonction, pour renforcer la position du ministre de l'économie, Emmanuel Macron. D'autant plus que Myriam El-Khomri, sans faire un procès d'intention, n'avait pas forcément de connaissances sur le monde du travail dans le privé, ni sur la législation avant sa prise de fonction (en témoigne son premier couac, deux mois après sa nomination, sur sa méconnaissance du Contrat à Durée Déterminée).

    Dans tous les cas, aucune surprise, Emmanuel Macron a réagi avec satisfaction au projet :  "C'est une réforme importante parce qu'on sait que notre économie a besoin de davantage de flexibilité, de souplesse pour s'adapter aux changements contemporains, à l'accélération du monde, aux grandes transformations du monde, de nos économies, en particulier du numérique."

     

    Le projet de réforme du code du travail remet en cause les avancées dans le droit du travail au nom du "modernisme." La parade est belle. Poursuivre la déconstruction de l'Etat, des droits, renforcer la fracture sociale au nom du "modernisme." Il n'est donc pas surprenant de voir la droite libérale et le centre applaudir ce projet si "moderne."

    L'argument encore une fois énoncé : celui de "redonner" confiance au patronat pour faciliter les embauches n'est que chimère. E. Macron comme M. El-Khomri ne sont pas naïfs. Le pacte de responsabilité et le CICE, qui ont déjà offert plusieurs milliards d'euros aux sociétés, n'ont pas réduit le chômage. Au contraire, le constat montre une augmentation progressive et structurelle de la précarisation de l'emploi (CDD, pigistes, intérimaires, stagiaires).

    En réalité, aujourd'hui, il est peu commode d'être de l'autre côté, celle des défenseurs de l'Etat face au marché, de la réduction des inégalités sociales, du plafonnement des très hauts revenus, de la lutte contre les parachutes dorés, de la lutte contre l'évasion fiscale des sociétés. Ces défenseurs seront considérés comme "passéistes."

     

    Tout cela est bien paradoxal, puisque nous nous dirigeons vers une société de classes décomplexée : faire fi de toutes les luttes sociales, des évolutions du code du travail, des conventions collectives, des combats qui devaient permettre aux sociétés de grandir avec leurs salariés. On oublie parfois que certains de ces principes ont été érigés avec l'aide du patronat, avec des gouvernements que l'on ne peut pas soupçonner de marxiste (De Gaulle a, par exemple, toujours cherché une troisième voie entre le capitalisme outrancier et le communisme).

    A la fin du  XIXe siècle et au XXe siècle, il était "ringard" de considérer le marché comme la seule composante économique d'une société. Aujourd'hui, il devient la norme. Cette évolution, avec ce nouveau projet de loi, est due à un changement de paradigme : le MEDEF étant devenu le principal interlocuteur du gouvernement. L'entrepreneur Henri Schneider, de sa tombe, doit exulter. Lui qui regrettait  l'intervention de l'Etat en 1897 : "On met des entraves inutiles, trop étroites, nuisibles surtout aux intéressés qu'on veut défendre, on décourage les patrons de les employer (...) Pour moi, la vérité, c’est qu’un ouvrier bien portant peut très bien faire ses dix heures par jour et qu’on doit le laisser libre de travailler davantage si cela lui fait plaisir." L'histoire dira qu'au contraire, l'Etat n'a pas été un frein à l'emploi. Les trente glorieuses se sont notamment faites grâce à l'intervention forte de la puissance publique face au marché.

    Seule une harmonie entre le monde de l'entreprise et l'Etat peut restaurer l'unité nationale et la réindustrialisation.

    D'ailleurs, des artisans et petits patrons ne se retrouvent pas dans le discours d'El Khomri, d'E. Macron et du MEDEF.

    L'histoire dira finalement que c'est un gouvernement à majorité socialiste, mis en place par un Président socialiste, qui aura permis le retour d'un autre temps. 

     

     

     


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  • Commentaires

    1
    hartmann catherine
    Mardi 23 Février 2016 à 04:47

    Allons fouiller dans les arcanes de ce nouveau projet avant de le vilipender sarcastic ...

    Il a au moins le mérite de construire d' autres débats, mais de grâce, pas tant d' amalgames, notre " Marianne "  va s' y perdre yes ...

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    2
    Bailly
    Mardi 23 Février 2016 à 13:25

    Pour vous Catherine, tout projet, même indécent, a le mérite de construire un débat ? Non ! 

    Sinon, en quoi cet article fait des amalgames ? Au contraire, il pointe du doigt des sujets que la ministre du travail et le ministre de l'éco ont soutenu. Sans être "gauchiste", je trouve qu'il y a une dérive avec ce projet de loi. Electeur de François Hollande en 2012, je me sens clairement dupé. 

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