• Castaner, Renzi et Verhofstadt veulent réveiller l'Europe dans une tribune démago

    Les pro-UE veulent réformer l'Europe. Beau projet. Encore faut-il que le patron de La République en marche ou le député européen Guy Verhofstadt, co-auteurs d'une tribune, aient un projet...

    Castaner, Renzi et Verhofstadt veulent réveiller l'Europe dans une tribune démago

    Crédit image : CC0 Creative Commons

     

     

    Les partisans de l'actuelle Union européenne ont semble-t-il peur avant les élections européennes de 2019 : peur de voir le populisme grimper électoralement, peur d'être discrédités. Publiée dans Libération le 27 septembre, une tribune co-écrite par le délégué général de La République en marche Christophe Castaner, le député européen fédéraliste Guy Verhofstadt ou encore l'ancien président du Conseil des ministres d'Italie, le centriste Matteo Renzi, use de poncifs. Ces zélateurs de l'UE se réclament ainsi pour «une Europe de paix, de prospérité et de liberté».

     

    La paix européenne c'est la guerre ?

     

    Pour eux, l'Europe c'est donc la paix. L'approche est contestable : l'Union européenne, par son choix de la création d'un marché unique et de l'ouverture à la libre circulation des capitaux, a bel et bien créé une guerre économique au sein même de sa zone par une mise en concurrence globale : industrielle et commerciale entre les Etats, entre les entreprises ou entre les salariés avec le statut des travailleurs détachés. Par ailleurs, la politique de défense de l'Union européenne est largement dépendante de l'OTAN sous commandement militaire des Etats-Unis, notamment via l'article 42 du traité sur l'Union européenne. Or, l'OTAN a été fortement critiqué pour plusieurs de ses interventions militaires comme en Libye, plongeant le pays dans le chaos et sous la menace de milices islamistes.

     

    Une liberté contrainte

     

    Pour eux, l'Europe c'est aussi la liberté. Mais où est la liberté quand l'UE fait pression sur les choix démocratiques des pays, notamment lorsque ceux-ci refusent de voter dans le «bon sens» ? Les exemples ne manquent pas : pression sévère sur la Grèce et ses finances lorsque celle-ci vote contre l'austérité ; traité constitutionnel européen revenu par la petite porte avec le traité de Lisbonne et ce malgré le refus français en 2005 ; Remise en cause du Brexit par des europhiles comme le commissaire européen Pierre Moscovici, etc.

     Les propos du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, en 2015, résumaient ce constat : «Il ne peut pas y avoir de choix démocratique contre les traités européens.» Tout était dit.

     

    La prospérité ne serait-elle pas une chimère inatteignable en UE ?

     

    Pour eux, l'Europe c'est enfin la prospérité. Mais où est cette prospérité tant prônée par ces promoteurs de l'UE ? Leurs aînés assuraient, dès les années 90, que les pays connaîtraient une croissance assurée et une stabilité avec l'arrivée de la monnaie unique euro. Or, depuis la mise en place de l'euro en 2002, la France, par exemple, n'a jamais retrouvé des taux de croissance de certaines années 90 ou début 2000, à plus de 3%. Pis, depuis la crise de 2008, la zone euro n'a jamais rebondi avec une économie en quasi-stagnation. Preuve d'un certaine résignation : le moindre dixième de taux de croissance gagné est aujourd'hui vu comme un succès de l'UE. Dans son dernier ouvrage sur l'Euro, l'ancien prix Nobel Joseph Stiglitz notait, par exemple, que l'Allemagne était paradoxalement vue comme un modèle économique en Europe, par les pays de l'eurozone, alors qu'entre 2007 et 2015, sa croissance n'avait connu un taux de croissance annuel moyen que de 0.8%, c'est à dire faible. A l'inverse, les Etats-Unis, pourtant à l'origine de la crise, ont su rebondir avec une reprise économique plus forte.

    Les auteurs de la tribune ne reviennent pas sur ces échecs de l'Union européenne. Ils préfèrent matraquer une nouvelle fois : «Nous revendiquons fièrement les valeurs fondatrices de paix, de liberté, de prospérité, de solidarité». Là encore une question : où est le discours de solidarité au sortir de la crise de 2008, quand la Banque centrale européenne a décidé de surendetter, avec un taux d'intérêt surélevé, une Grèce anémique, pour le plus grand profit de l'Allemagne et de ses créanciers ?

    Le ton incantatoire du propos de Christophe Castaner et de ses partenaires politiques libéraux évite ainsi soigneusement toute critique de la construction européenne et les auteurs se gardent bien de proposer toutes les mesures qui formeraient un projet lisible. Plutôt que de faire adhérer les lecteurs de la tribune à leur projet, ils préfèrent effectivement cibler «les populistes», responsables d'une possible «asphyxie» du projet européen.

    Mais ne serait-ce pas l'Europe prônée par Christophe Castaner ou Guy Verhofstadt qui a fait émerger lesdits populismes ? Ne serait-ce pas le le poids des lobbies sur les décisions politiques ? Ne serait-ce pas le déficit de démocratie dans les institutions comme le choix d'un président de la Commission européenne par le Conseil européen ou le choix des membres de la Commission, eux-mêmes non élus, qui amplifient le désamour des Européens et des nations pour l'UE ? 

    Le réveil de l'Europe par un fédéralisme autoritaire ?

    «Réveillons l'Europe», insistent-ils, sans remettre en cause le fonctionnement opaque de l'UE. Sont-ils certains que menacer les peuples d'un choix populiste est suffisant pour convaincre ceux-ci de la beauté de l'UE ? «L’Europe mérite ce nouveau projet», ajoutent-ils. «Il faut agir maintenant, ou le projet européen s’essoufflera», accentuent-ils. Mais de quel projet s'agit-il ? En promouvant le discours d'Emmanuel Macron à la Sorbonne de 2017, ils semblent, en filigrane, faire le vœu d'une intégration européenne renforcée, comme la création d'un budget propre à la zone Euro. 

    Et pour arriver à ce dessein, les avocats de «l'Europe de paix, de prospérité et de liberté» assument : «Notre méthode est claire.» Pour être claire, leur méthode semble plutôt autoritaire : «Nous sommes prêts à réformer les traités si la refondation l’exige. Nous sommes décidés à avancer en dépit des blocages [...] Nous sommes résolus à dépasser les structures partisanes existantes si celles-ci agissent comme des obstacles.» Comprenez par là : si les Italiens, Portugais ou Français choisissent un gouvernement eurosceptique, Christophe Castaner et ses alliés avanceront dans leur projet coûte que coûte. Jean-Claude Juncker n'aurait pas dit mieux.

    Des discours étonnants pour des politiques qui osent craindre, en début de tribune, le retour aux années 30. Et si c'était eux les premiers responsables de ce qu'ils redoutent ?

     


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