• A-t-on le droit d'être contre les JO de Paris 2024 ?

    Paris 2024 est une chance pour la France ? Une folie oui...

    Le monde du sport, l'ensemble des journalistes (particulièrement dits "sportifs"), le monde politique (notre nouveau président E. Macron, comme la maire de Paris, A. Hidalgo), il y a unanimité : les Jeux Olympiques en 2024 doivent être à Paris. Et bien non...

     

    A-t-on le droit en France d'être contre les J.O. à Paris ?

     Nos précédents échecs en 2008 (attribués à Pékin) et surtout en 2012 (face au rival londonien) ont quelque peu froissé l'honneur français. Cette-fois-ci, rien ne semble empêcher Paris d'être LA ville pour l'organisation des JO. La seule concurrence semble venir de Los Angeles. Toutefois, l'enthousiasme américain n'y est pas vraiment, Los Angeles ayant remplacé en 2015, à la va-vite, Boston, qui devait, initialement être la principale concurrente de Paris.

     

    La mobilisation est forte pour 2024. On met le bien-aimé Teddy Riner - que tout le monde adore - et ses multiples médailles olympiques comme l'un des principaux promoteurs de la candidature. A ses côtés, un autre sportif, qui fait lui aussi l'unanimité dans le cœur des Français, le multiple médaillé Tony Estanguet. Moi-même, j'adore ces deux grands sportifs...

     

    A chaque présentation, à chaque interview, les discours sont rassurants, les sourires sont là. La maire de Paris semble même en faire sa priorité durant son mandat électoral. Paris et, de fait, la France auraient apparemment tout à gagner à accueillir ces Jeux Olympiques. Les chiffres sont là : on nous promet un rebond économique florissant, des infrastructures sportives toutes belles et toutes neuves. Le Centre de Droit et d'Economie du Sport (CDES) de Limoges estime des retombées entre 5 et 11 milliards d'euros. En revanche, pour parler de la facture... Repassez, puisqu'on vous dit que les JO sont une manne financière importante...

     

    Dans les rédactions ? Nul doute, ceux qui contestent cet optimisme détestent forcément le sport...
    Vision plus que simpliste
    ... On peut aimer le sport et ne pas vouloir des Jeux Olympiques à Paris. Et ce pour plusieurs points. 

     

     DES JEUX OLYMPIQUES QUI COÛTENT DAVANTAGE QU'ILS NE RAPPORTENT

     

    Tout d'abord, côté tourisme, le CDES prévoit un impact de 1.4 à 3.5 milliards d'euros... Cela reste une hypothèse largement critiquable. D'une, Paris a un tourisme naturel (non lié à un quelconque événement sportif) puisque grâce à elle, la France est la première destination touristique mondiale, selon le ministère des affaires étrangères. D'autre part, le CDES semble éviter soigneusement (comme l'ensemble des prévisions avant chaque JO) de considérer les Jeux Olympiques comme une cause d'éviction touristique. En clair, certains touristes - non sportifs - préféreront choisir un autre voyage pour éviter les tarifs exorbitants pratiqués lors de la période olympique et l'arrivée massive de "nouveaux" visiteurs. D'ailleurs, plusieurs études, comme celle de l'économiste Victor Matheson, montrent bel et bien l'effet limité pour le secteur.

     

    Brièvement, les bénéfices attendus de ces événements ne sont que rarement atteints et les budgets initiaux systématiquement dépassés. Les prévisions budgétaires sous-estiment en permanence le coût réel. "Les bénéfices de court ou de long terme ne parviennent quasiment jamais à couvrir les coûts relatifs à l’accueil des Jeux Olympiques." (conclusion de Robert Baade et Victor Matheson).

     

     ATHÈNES, ET SOTCHI, DEUX VILLES ENCORE MEURTRIES PAR LES JO

     

    En outre, le cas Athènes, tellement symbolique, a secoué plus d'un dirigeant dans l'entreprise Jeux Olympiques. Ainsi, l'Italie, pays en crise, et ce de manière pérenne depuis la crise de 2008, s'est vite rétractée pour 2020. Mario Monti ne voulant se lancer dans une aventure trop risquée et coûteuse : "Etant donné la situation économique du pays, le gouvernement pense qu'il ne serait pas responsable, dans les conditions actuelles en Italie, d'assumer ces garanties".

    Et comment ne pas lui donner raison quand Jacques Rogge, président du Comité International Olympique (CIO), lui-même, avait estimé en 2011 qu'"il était communément admis que les JO d'Athènes de 2004 ont creusé la dette du pays (ndlr, la Grèce)." Peu de Jeux Olympiques se sont retrouvés avec des retombées positives, à l’exception des Jeux de Los Angeles en 1984 et ceux de Barcelone en 1992.  Les Jeux Olympiques sont généralement un lourd fardeau pour les villes qui les accueillent.

    Paris 2024 brandit alors l'étendard du renouvellement des infrastructures sportives... Dès lors, peut-on voir ce qui s'est passé avec le sublime "nid d'oiseau", construit spécialement pour les JO de Pékin ? Très peu utilisé, il est surtout devenu un symbole pour les appareils photos et cartes postales. Désormais, les touristes font volontiers un crochet pour voir cette superstructure. Mais soyons sérieux, ce n'est pas le nid d'oiseau qui pousse le touriste à se rendre en Chine.  Il est à l'image de ce que deviennent régulièrement ces centaines de millions d'investissements, fournis pour une compétition d'un mois, servant à illustrer une certaine grandeur... Les Grecs regardent encore leurs milliards dépensés pour des infrastructures, aujourd'hui largement abandonnées, pour certaines recyclées difficilement dans l'organisation de séminaires ou de mariages... Les JO dans la petite station balnéaire russe de Sotchi ? Cela se passe presque de commentaires. Avant même la fin de leurs Jeux Olympiques, les hôtels n'étaient pas encore tous achevés. Aujourd'hui, Sotchi a un aspect apocalyptique, celui d'une ville fantôme.

     A-t-on le droit d'être contre les J.O. de Paris 2024 ?

    (Crédit Image : Alexander Belenkiy - Sotchi, ville fantôme)

     

     

     

    Alors on nous évoque le cas rayonnant de Londres pour contrecarrer les points noirs des JO. Tout y serait positif depuis l'organisation de leur diable de JO de 2012. Pourtant, là aussi,  l'enthousiasme post-JO est légèrement excessif. Des économistes comme Stefan Szymanski, de la prestigieuse université de Michigan, critiquent les méthodes de calcul et pondèrent l'enthousiasme des autorités politiques (notamment de l'ancien maire Boris Johnson), évoquant une "comptabilité créative". Sans possibilité de vérification objective, les études officielles, généralement dépendantes du pouvoir politique, ont tendance à surévaluer l'impact positif et à minorer les côtés sombres (effet d'éviction, l'accaparement de ressources, les dégradations environnementales, le vandalisme, etc.). 

     

    L'INTÉRÊT DE LA FRANCE EST UNIQUEMENT POLITIQUE

     

    Les questions se posent dès lors :

    La France a-t-elle une économie si resplendissante pour permettre l'organisation de Jeux Olympiques ? Ne sommes-nous pas en phase de baisse de dépenses publiques et ce, pour réduire la dette ? Logiquement, le discours d'Emmanuel Macron, au congrès, ce lundi 3 juillet 2017, a bien insisté sur ce point. Le président, reste néanmoins pro-JO Paris 2024. Allez comprendre... D'ailleurs, pour répondre à cette dette, les aides aux collectivités locales n'ont-elles pas été réduites depuis 2011 ? Paris doit-elle donc être une vitrine du paraitre, face aux petites communes ?

     

    Certes, la France n'est ni l'Italie, ni l'Espagne. Mais les milliards engagés ne peuvent-ils pas permettre d'améliorer la situation de plus en plus sombre de nos infrastructures publiques (écoles, hôpitaux) ?

    Enfin, ce que l'on oublie régulièrement dans les études d'impact sur les JO et ce, de manière volontaire : la France devra forcément solliciter des dépenses supplémentaires pour la sécurité. Pourtant ne sommes-nous pas actuellement aussi bien en état d'urgence qu'en état de rigueur budgétaire ?

     

    PARIS 2024 : C'EST PRESQUE GAGNÉ

     

    Je rassure les partisans de Paris 2024. On a 99.5% de chances de les avoir. On a compris que tout se jouait dans le lobbying, les coulisses et les petits cadeaux envers les jurés. L'échec de l'attribution des JO-2012 nous l'a révélé. En 2005, lorsque les JO de 2012 avaient été accordés à Londres, David Douillet, Jean-Paul Huchon (ex-président de la région Ile-de-France), Bertrand Delanoë (ex-maire de Paris) ou Pascal Cherki (l'ex-adjoint aux sports à la Ville de Paris) plaçaient leurs sous-entendus : "Nous, on a respecté les règles" ; "Je ne dis pas qu’ils ont flirté [avec la ligne jaune, ndlr], ils sont passés de l’autre côté de la ligne" ; "Moi, je n'ai pas eu d'entretiens avec les membres du CIO dans ma chambre puisque, de toute façon, c'est interdit par les règles du CIO" ; "Si Tony Blair (ancien premier ministre britannique, ndlr) a reçu les membres du CIO dans sa chambre, ce n'est quand même pas pour leur passer le bonjour de la reine."

    Petit parenthèse : ce n'est absolument pas la renonciation de nos valeurs et de notre culture, qui fera peser la balance du côté de Paris. Effectivement, notre comité d'organisation a choisi un incompréhensible slogan en anglais "sharing for Paris" et de présenter la candidature de Paris, en février, en privilégiant le tout-anglais au détriment de la langue de Molière. Alors quand on évoque l'aura des JO sur un pays, permettez-moi d'en douter. La soi-disant ouverture sur le monde et la mondialisation heureuse ne donnent pas droit de moquer la culture française. Au contraire.
    Peu importe, ces JO, on les aura probablement. Certains entreront dans l'histoire, Emmanuel Macron et Anne Hidalgo en tête. Les Français, eux, en paieront les frais...
     

     

     

     


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